Communiqué de presse
Einstein a eu raison – jusqu'à présent
Un pulsar record amène à tester la relativité générale dans des conditions extrêmes
25 avril 2013
Les astronomes ont utilisé le Très Grand Télescope de l'ESO (le VLT) ainsi que divers radiotélescopes terrestres pour trouver et étudier une étrange paire d'étoiles constituée de l'étoile à neutrons la plus massive connue à ce jour autour de laquelle une naine blanche est en orbite. Cette nouvelle binaire, atypique, permet d'effectuer des tests jusqu'alors impossibles de la théorie de la gravitation d'Einstein – la relativité générale. Jusqu'ici, les nouvelles observations se révèlent en accord parfait avec les prédictions de la relativité générale et incompatibles avec une quelconque théorie alternative. Les résultats de cette étude paraîtront dans l'édition du 26 avril 2013 de la revue Science.
Une équipe internationale a découvert un objet binaire atypique constitué d'une étoile à neutrons extrêmement dense qui effectue 25 rotations sur elle-même par seconde, autour de laquelle une naine blanche gravite en deux heures et demi. L'étoile à neutrons est un pulsar qui émet des ondes radio que les radiotélescopes disséminés sur Terre peuvent capter. Ce système binaire pour le moins atypique est une curiosité en lui-même, mais il constitue aussi et surtout un laboratoire unique de tests des limites des théories physiques.
Ce pulsar, noté PSR J0348+0432, constitue le reste de l'explosion d'une supernova. Il est deux fois plus lourd que le Soleil mais son diamètre est inférieur à 20 kilomètres. A sa surface, le champ de gravité est au moins 300 milliards de fois plus intense que celui qui règne à la surface de la Terre ; en son centre, l'équivalent d'un morceau de sucre contient plus d'un milliard de tonnes de matière condensée. Sa compagne, la naine blanche, est à peine moins exotique : elle constitue le vestige encore brillant d'une étoile bien plus légère qui a perdu son atmosphère et se refroidit lentement.
« J'étais en train d'observer le système au moyen du VLT de l'ESO, à la recherche des variations de la lumière émise par la naine blanche et résultant de son mouvement autour du pulsar » nous confie John Antoniadis, un doctorant de l'Institut Max Planck de Radioastronomie (MPIfR) à Bonn et auteur principal de l'article. « Une analyse rapide en temps réel m'a laissé entrevoir que le pulsar était très massif. Sa masse est deux fois supérieure à celle du Soleil, ce qui en fait l'étoile à neutrons la plus massive que nous connaissions et également un excellent laboratoire de recherche en physique fondamentale ».
La théorie de la relativité générale d'Einstein, qui explique que la gravitation résulte de la courbure de l'espace-temps générée par la présence de matière et d'énergie, a passé avec succès tous les tests effectués depuis sa publication, voici près d'un siècle. Mais elle ne peut constituer la théorie ultime et devra un jour être abandonnée [1].
Les physiciens ont formulé d'autres théories de la gravitation dont les prédictions diffèrent de celles de la relativité générale. Selon certaines de ces théories alternatives, ces différences n'apparaîtraient qu'en présence de champs gravitationnels extrêmement intenses, en dehors du Système Solaire donc. En termes de gravité, PSR J0348+0432 constitue un objet véritablement extrême, même en comparaison avec les autres pulsars qui ont été utilisés pour tester, avec grande précision, la théorie de la relativité générale d'Einstein [2]. Dans des champs gravitationnels si intenses, de faibles augmentations de masse peuvent générer de larges variations de courbure de l'espace-temps qui entoure de tels objets. Jusqu'à présent, les astronomes ignoraient totalement ce qui se produirait en présence d'une étoile à neutrons aussi massive que PSR J0348+0432. Elle offre donc l'opportunité unique de pousser les tests à l'extrême.
L'équipe a synchronisé les observations de la naine blanche effectuées au moyen du Très Grand Télescope avec le timing très précis du pulsar obtenu au moyen de radiotélescopes [3]. Un système binaire si rapproché émet des ondes gravitationnelles et perd de l'énergie. Ce qui induit de très lentes variations de la période orbitale et les variations prédites par la relativité générale et les autres théories concurrentes sont différentes.
« Nos observations effectuées dans le domaine radio étaient si précises que nous avons déjà été capables de mesurer une variation de 8 millionièmes de seconde par an dans la période orbitale, soit exactement ce que prédit la théorie d'Einstein », nous révèle Paulo Freire, un autre membre de l'équipe.
L'étude approfondie de cet objet unique ne fait que débuter et les astronomes l'utiliseront pour tester la relativité générale à un degré de précision toujours plus élevé.
Notes
[1] La théorie de la relativité générale n'est pas compatible avec l'autre grande théorie du XXème siècle, celle de la mécanique quantique. En outre, elle prédit des singularités dans certaines circonstances, lorsque certaines grandeurs tendent vers l'infini, au centre d'un trou noir par exemple.
[2] Le premier pulsar binaire, PSR B1913+16, a été découvert par Joseph Hooton Taylor Jr et Russell Hulse, ce qui leur a valu le Prix Nobel de Physique en 1993. Ils ont mesuré avec précision les variations de propriétés de cet objet singulier et montré qu'elles étaient tout à fait compatibles avec les pertes d'énergie par rayonnement gravitationnel prévues par la relativité générale.
[3] Ce travail a utilisé les données issues des radiotélescopes d'Effelsberg, d'Arecibo et de Green Bank ainsi que celles des télescopes optiques du Très Grand Télescope de l'ESO et du Télescope William Herschel.
Plus d'informations
Ce travail de recherche a fait l'objet d'un article intitulé « A Massive Pulsar in a Compact Relativistic Orbit » par John Antoniadis et al., à paraître dans l'édition du 16 avril 2013 de la revue Science.
L'équipe est composée de John Antoniadis (Institut Max Planck pour la Radioastronomie [MPIfR], Bonn, Allemagne), Paulo C. C. Freire (MPIfR), Norbert Wex (MPIfR), Thomas M. Tauris (Institut Argelander pour l'Astronomie, Bonn, Allemagne; MPIfR), Ryan S. Lynch (Université McGill, Montreal, Canada), Marten H. van Kerkwijk (Université de Toronto, Canada), Michael Kramer (MPIfR; Banque Centrale Jodrell pour l'Astrophysique, Université de Manchester, Royaume-Uni), Cees Bassa (Banque Jodrell), Vik S. Dhillon (Université de Sheffield, Royaume-Uni), Thomas Driebe (Centre allemand de recherche aérospatiale, Bonn, Allemagne), Jason W. T. Hessels (ASTRON, Institut néerlandais pour la radioastronomie, Dwingeloo, Pays-Bas; Université d'Amsterdam, Pays-Bas), Victoria M. Kaspi (Université McGill), Vladislav I. Kondratiev (ASTRON; Institut de Physique Lebedev, Moscou, Russie), Norbert Langer (Institut Argelander pour l'Astronomie), Thomas R. Marsh (Université de Warwick, Royaume-Uni), Maura A. McLaughlin (Université de Virginie Ouest), Timothy T. Pennucci (Department d'Astronomie, Université de Virginie) Scott M. Ransom (Observatoire national de Radioastronomie, Charlottesville, Etats-Unis), Ingrid H. Stairs (Université de Colombie Britannique, Vancouver, Canada), Joeri van Leeuwen (ASTRON; Université d'Amsterdam), Joris P. W. Verbiest (MPIfR), David G. Whelan (Department d'Astronomie, Université de Virginie).
L'ESO est la première organisation intergouvernementale pour l'astronomie en Europe et l'observatoire astronomique le plus productif au monde. L'ESO est soutenu par 15 pays : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Brésil, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L'ESO conduit d'ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l'astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d'importantes découvertes scientifiques. L'ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l'organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L'ESO gère trois sites d'observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. À Paranal, l'ESO exploite le VLT « Very Large Telescope », l'observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde et deux télescopes dédiés aux grands sondages. VISTA fonctionne dans l'infrarouge. C'est le plus grand télescope pour les grands sondages. Et, le VLT Survey Telescope (VST) est le plus grand télescope conçu exclusivement pour sonder le ciel dans la lumière visible. L'ESO est le partenaire européen d'ALMA, un télescope astronomique révolutionnaire. ALMA est le plus grand projet astronomique en cours de réalisation. L'ESO est actuellement en train de programmer la réalisation d'un télescope européen géant (E-ELT pour European Extremely Large Telescope) de la classe des 39 mètres qui observera dans le visible et le proche infrarouge. L'E-ELT sera « l'œil le plus grand au monde tourné vers le ciel ».
Liens
Contacts
John Antoniadis
Max-Planck-Institut für Radioastronomie
Bonn, Germany
Tél: +49-228-525-181
Courriel: jantoniadis@mpifr-bonn.mpg.de
Michael Kramer
Max-Planck-Institut für Radioastronomie
Bonn, Germany
Tél: +49-228-525-278
Courriel: mkramer@mpifr-bonn.mpg.de
Richard Hook
ESO Public Information Officer
Garching bei München, Germany
Tél: +49 89 3200 6655
Mobile: +49 151 1537 3591
Courriel: rhook@eso.org
Joerg Gasser (contact presse pour la Suisse)
Réseau de diffusion scientifique de l'ESO
Courriel: eson-switzerland@eso.org
A propos du communiqué de presse
Communiqué de presse N°: | eso1319fr-ch |
Nom: | PSR J0348+0432 |
Type: | Milky Way : Star : Evolutionary Stage : Neutron Star : Pulsar |
Facility: | Very Large Telescope |
Instruments: | FORS2 |
Science data: | 2013Sci...340..448A |