Communiqué de presse
Ultime baiser stellaire avant la catastrophe finale
Le VLT découvre deux étoiles chaudes et massives au contact l'une de l'autre
21 octobre 2015
Le système d'étoiles doubles VFTS 352 se situe à quelque 160 000 années-lumière de la Terre, au cœur de la Nébuleuse de la Tarentule [1]. Cette région du ciel abrite la pépinière d'étoiles la plus active de l'Univers proche et de nouvelles observations effectuées au moyen du VLT de l'ESO [2] ont révélé que cette paire de jeunes étoiles figure parmi les plus extrêmes et les plus étranges jamais découvertes.
VFTS 352 se compose de deux étoiles très chaudes, brillantes et massives qui orbitent l'une autour de l'autre en un peu plus de 24 heures. Les centres des deux étoiles sont distants d'à peine 12 millions de kilomètres [3]. Les étoiles sont en réalité si proches l'une de l'autre que leurs surfaces se chevauchent et sont reliées par un pont de matière. VFTS 352 n'est pas seulement le représentant le plus massif de la classe réservée des “binaires en contact” - au total, sa masse avoisine les 57 masses solaires ; il est également constitué des étoiles les plus chaudes connues à ce jour – leur température de surface dépasse les 40 000 degrés Celsius.
Des étoiles extrêmes telles celles qui composent VFTS 352 jouent un rôle déterminant dans l'évolution des galaxies et sont censées être les principaux producteurs d'éléments chimiques tel l'oxygène. Des étoiles doubles de ce type arborent par ailleurs des comportements étranges, voire exotiques. Citons, à titre d'exemple, les “étoiles vampires”, ces compagnons stellaires de modestes dimensions qui aspirent la matière située à la surface de leurs voisines de dimensions plus élevées (eso1230).
Dans le cas de VFTS 352 toutefois, l'une et l'autre étoile sont de semblables dimensions. En conséquence, la matière n'est pas aspirée par l'une ou l'autre étoile, mais plutôt partagée [4]. Il semble que les étoiles composantes de VFTS 352 mutualisent quelque 30% de leur capital matériel.
Observer un tel système est extrêmement rare car cette phase stellaire est particulièrement éphémère. Les étoiles sont si proches l'une de l'autre que, de l'avis des astronomes, d'importants effets de marée devraient précipiter le mélange de matière au sein des intérieurs stellaires.
“VFTS 352 constitue à ce jour le système d'étoiles doubles chaudes et massives le plus abouti en terme de mélange interne”, explique Leonardo A. Almeida de l'Université de Sao Paulo au Brésil, auteur principal de cette étude. “A ce titre, il constitue une découverte fascinante et importante à la fois”.
Les astronomes pensent que VFTS 352 s'achemine vers une issue fatalement tragique. Le premier scénario stipule que les deux étoiles fusionneront et donneront lieu à une étoile géante, peut-être magnétique, animée d'une rotation rapide. “Dans l'éventualité où cette rotation rapide se poursuivrait, elle achèverait son existence sous la forme de l'une des explosions les plus énergétiques de l'Univers, soit un sursaut gamma de longue durée”, précise Hugues Sana de l'Université de Leuven en Belgique, principal investigateur du projet [5].
Selma de Mink de l'Université d'Amsterdam, principal théoricien de l'équipe, expose le second scénario possible : “Si le mélange des deux intérieurs stellaires s'avère suffisant, l'une et l'autre étoiles demeureront compactes et le système VFTS 352 devrait échapper à la fusion. Alors, la trajectoire évolutive des deux objets différera notablement des scénarii classiques d'évolution stellaire. Les deux composantes de VFTS 352 devraient achever leurs existences en explosions de supernovae puis évoluer vers un système binaire de trous noirs rapprochés. Un objet si remarquable devrait constituer une importante source d'ondes gravitationnelles. »
Prouver l'existence de ce second chemin évolutif [6] constituerait une véritable percée dans le domaine de l'astrophysique stellaire. Mais quel que soit le destin de VFTS 352, ce système a d'ores et déjà offert aux astronomes de précieuses informations concernant les processus évolutifs des systèmes binaires constitués d'étoiles massives au contact l'une de l'autre.
Notes
[1] La dénomination de cette étoile indique qu'elle a été observée dans la cadre du Sondage de la Tarantule effectué au moyen des instruments FLAMES et GIRAFFE qui équipent le Très Grand Télescope (VLT) de l'ESO. Ce sondage a permis d'étudier plus de 900 étoiles de la région 30 Doradus située au sein du Grand Nuage de Magellan (LMC). Il a déjà donné lieu à de nombreuses et importantes découvertes parmi lesquelles : l'étoile dotée de la rotation la plus rapide qui soit (eso1147), une étoile extrêmement massive en cours d'échappement ainsi qu'une étoile isolée très massive (eso1117). L'ensemble des données collectées permet de mieux comprendre les effets de la rotation et de la binarité sur les étoiles massives, ainsi que la dynamique des amas d'étoiles denses.
[2] Cette étude a également bénéficié des mesures de luminosité de VFTS 352 effectuées sur une période de douze ans dans le cadre du sondage OGLE.
[3] L'une et l'autre composantes sont des étoiles de type O. De telles étoiles sont typiquement dotées de masses comprises entre 15 et 80 masses solaires et caractérisées par des brillances équivalant à celle de millions de Soleils. Elles arborent une couleur bleue-blanche et leur température de surface dépasse les 30 000 degrés Celsius.
[4] Ces régions stellaires périphériques ont été baptisées lobes de Roche. Dans des systèmes binaires rapprochés tel que VFTS 352, les lobes de Roches des deux étoiles se trouvent emplis de matière.
[5] Les sursauts gamma (GRBs) consistent en des émissions de rayons gamma de haute énergie que certains satellites terrestres sont en mesure de détecter. Ces sursauts sont de deux types : ceux de courte durée (inférieure à quelques secondes) et ceux de longue durée (supérieure à plusieurs secondes). Les GRBs de longue durée sont les plus courants : ils sanctionnent la fin de vie des étoiles massives et sont associés à une classe d'explosions très énergétiques de supernovae.
[6] Prédites par la théorie de la relativité générale d'Einstein, les ondes gravitationnelles constituent des ondulations de l'espace-temps. D'importantes ondes gravitationnelles sont générées lorsque d'intenses champs gravitationnels subissent des variations extrêmes au cours du temps – lors de la fusion de deux trous noirs par exemple.
Plus d'informations
Ce travail de recherche a fait l'objet d'un article intitulé “Discovery of the massive overcontact binary VFTS 352: Evidence for enhanced internal mixing”, par L. Almeida et al., à paraître dans la revue Astrophysical Journal.
L'équipe est composée de L.A. Almeida (Université Johns Hopkins, Baltimore, Maryland, Etats-Unis; Institut d'Astronomie, de Géophysique et des Sciences Atmosphériques, Université de São Paulo, Brésil), H. Sana (STScI, Baltimore, Maryland, Etats-Unis; KU Leuven, Belgique), S.E. de Mink (Université d'Amsterdam, Pays-Bas), F. Tramper (Université d'Amsterdam, Pays-Bas), I. Soszynski (Observatoire de l'Université de Varsovie, Pologne), N. Langer (Université de Bonn, Allemagne), R.H. Barba (Université de La Serena, Chili), M. Cantiello (Université de Californie, Santa Barbara, Etats-Unis), A. Damineli (Université de São Paulo, Brésil), A. de Koter (Université d'Amsterdam, Pays-Bas; Université de Leuven, Belgique), M. Garcia (Centre d'Astrobiologie (INTA-CSIC), Espagne), G. Gräfener (Observatoire Armagh, Royaume-Uni), A. Herrero (Institut d'Astrophysique des Canaries, Espagne; Université de La Laguna, Espagne), I. Howarth (Université College Londres, Royaume-Uni), J. Maíz Apellániz (Centre d'Astrobiologie (INTA-CSIC), Espagne), C. Norman (Université Johns Hopkins, Etats-Unis), O.H. Ramírez-Agudelo (Université d'Amsterdam, Pays-Bas) et J.S. Vink (Observatoire Armagh, Royaume-Uni).
L'ESO est la première organisation intergouvernementale pour l'astronomie en Europe et l'observatoire astronomique le plus productif au monde. L'ESO est soutenu par 15 pays : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Brésil, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L'ESO conduit d'ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l'astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d'importantes découvertes scientifiques. L'ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l'organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L'ESO gère trois sites d'observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. À Paranal, l'ESO exploite le VLT « Very Large Telescope », l'observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde et deux télescopes dédiés aux grands sondages. VISTA fonctionne dans l'infrarouge. C'est le plus grand télescope pour les grands sondages. Et, le VLT Survey Telescope (VST) est le plus grand télescope conçu exclusivement pour sonder le ciel dans la lumière visible. L'ESO est le partenaire européen d'ALMA, un télescope astronomique révolutionnaire. ALMA est le plus grand projet astronomique en cours de réalisation. L'ESO est actuellement en train de programmer la réalisation d'un télescope européen géant (E-ELT pour European Extremely Large Telescope) de la classe des 39 mètres qui observera dans le visible et le proche infrarouge. L'E-ELT sera « l'œil le plus grand au monde tourné vers le ciel ».
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Courriel: leonardodealmeida.andrade@gmail.com
Hugues Sana
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Tél: +32 (0) 16 32 19 36
Courriel: hugues.sana@kuleuven.be
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A propos du communiqué de presse
Communiqué de presse N°: | eso1540fr |
Nom: | VFTS 352 |
Type: | Local Universe : Star : Grouping : Multiple |
Facility: | Very Large Telescope |
Instruments: | FLAMES |
Science data: | 2015ApJ...812..102A |