Communiqué de presse
ALMA observe, pour la toute première fois, un rassemblement de galaxies dans l'Univers jeune
22 juillet 2015
Le Vaste Réseau (Sub-)Millimétrique de l'Atacama (ALMA) a été utilisé dans le but de détecter, au sein des galaxies normales de l'Univers jeune, les nuages de gaz propices à la formation des étoiles les plus lointains qui soient. Les nouvelles observations permettent aux astronomes d'entrevoir le mode de formation des toutes premières galaxies ainsi que la façon dont elles ont dissipé le brouillard cosmique à l'époque de la réionisation. C'est la toute première fois que ces galaxies nous apparaissent sous un aspect autre que de simples tâches faiblement lumineuses.
Lorsque les toutes premières galaxies se sont formées quelques centaines de millions d'années après le Big Bang, l'Univers était empli d'un brouillard de gaz d'hydrogène. A mesure toutefois que les sources de lumière – tant les étoiles que les quasars alimentés par de vastes trous noirs – se sont multipliées, ce brouillard s'est dissipé et l'Univers est devenu transparent au rayonnement ultraviolet [1]. Les astronomes appellent cela l'époque de la réionisation. Jusqu'à présent, ces premières galaxies, qui revêtaient l'aspect de tâches faiblement lumineuses, demeuraient mystérieuses. De nouvelles observations effectuées au moyen d'ALMA, et rendues possibles grâce à la toute puissance de ce réseau, sont toutefois sur le point de lever en partie ce voile de mystère.
Une équipe d'astronomes emmenée par Roberto Maiolino (Laboratoire Cavendish et Institut Kavli dédié à la Cosmologie, Université de Cambridge, Royaume-Uni) a pointé ALMA en direction de galaxies dont l'existence, quelque 800 millions d'années après le Big Bang, était avérée [2]. Les astronomes n'ont pas cherché à analyser la lumière en provenance des étoiles, mais plutôt la faible lueur émise par le carbone ionisé [3] constituant en partie les nuages de gaz à partir desquels les étoiles se formaient. Leur objectif était d'étudier l'interaction entre une jeune génération d'étoiles et les nuages de gaz froid qui se sont formés au sein de ces premières galaxies.
Les astronomes n'ont pas davantage recherché les rares objets extrêmement brillants – tels des quasars et des galaxies caractérisées par des taux particulièrement élevés de formation d'étoiles – qui avaient fait l'objet d'observations antérieures. Ils se sont plutôt focalisés sur les galaxies plus classiques et bien plus nombreuses qui ont réionisé l'Univers et nous entourent aujourd'hui.
De l'une de ces galaxies, notée BDF2399, ALMA a pu capter un signal certes faible mais clair produit par le carbone ionisé. Toutefois, cette lueur ne provenait pas du centre de la galaxie mais de sa périphérie.
Andrea Ferrara (Ecole Normale Supérieure, Pise, Italie), co-auteur de cette étude, expose l'importance de ces nouvelles découvertes : “Il s'agit de la détection la plus lointaine à ce jour de ce type d'émission en provenance d'une galaxie normale, datée de moins d'un milliard d'années après le Big Bang. Elle nous offre l'opportunité d'assister à la formation des toutes premières galaxies. Pour la première fois, ces dernières nous apparaissent, non pas sous l'aspect de minuscules tâches, mais sous la forme d'objets dotés d'une structure interne !”
Aux dires des astronomes, la localisation périphérique de la lueur observée résulterait de la perturbation qu'exerce l'environnement hostile constitué des étoiles nouvellement formées – tant leur intense rayonnement que les effets des explosions de supernovae – sur les nuages centraux, tandis que le rayonnement produit par le carbone témoigne de l'accrétion du gaz froid qui compose le milieu intergalactique.
En combinant les nouvelles observations d'ALMA à des simulations informatiques, notre compréhension des processus clés se produisant au sein des premières galaxies s'est affinée. Les effets du rayonnement stellaire, la survivance des nuages moléculaires, l'échappement du rayonnement ionisant et la structure complexe du milieu interstellaire peuvent à présent être modélisés et comparés aux observations. BDF 2399 constitue certainement un prototype des galaxies responsables de la réionisation.
“Des années durant, nous avons tenté de comprendre le milieu interstellaire et la formation des sources de réionisation. Etre enfin en mesure de confronter les prévisions et les hypothèses de nos modèles aux données réelles acquises par ALMA offre non seulement un moment excitant, mais soulève également de nombreuses nouvelles questions. Ce type d'observation permettra de clarifier nombre de problèmes épineux relatifs à la formation des premières étoiles et des galaxies dans l'Univers”, ajoute Andrea Ferrara.
Et Roberto Maiolino de conclure : “Sans ALMA, cette étude se serait tout simplement avérée impossible. Aucun autre instrument n'est doté de la sensibilité et de la résolution spatiale requises en effet. Cette observation est l'une des plus profondes réalisées par ALMA ; toutefois, ses capacités vont bien au-delà. A l'avenir, ALMA produira des images de la structure fine des galaxies primordiales et retracera le détail de la formation des toutes premières galaxies.”
Notes
[1] Le gaz d'hydrogène neutre absorbe très efficacement le rayonnement ultraviolet de haute énergie produit par les jeunes étoiles chaudes. En conséquence, ces étoiles sont quasiment impossibles à observer dans l'Univers jeune. Parallèlement, le rayonnement ultraviolet absorbé ionise l'hydrogène et le rend complètement transparent. Les étoiles chaudes sculptent donc des bulles de transparence au sein du gaz. Après que toutes ces bulles aient fusionné et rempli l'espace, la réionisation est complète et l'Univers devient transparent.
[2] Leurs redshifts s'étendent de 6,8 à 7,1.
[3] Les astronomes portent un intérêt particulier au carbone ionisé parce que cette raie spectrale tout à fait singulière emporte une grande partie de l'énergie injectée par les étoiles et permet aux astronomes de connaître la distribution du gaz froid à partir duquel les étoiles se forment. L'équipe s'est plus précisément intéressée à l'émission du carbone simplement ionisé (noté [CII). Ce rayonnement est produit à une longueur d'onde de 158 micromètres, mais parvient à ALMA sous la forme d'une raie à 1,3 millimètre en raison de l'expansion de l'Univers.
Plus d'informations
Ce travail de recherche a fait l'objet d'un article intitulé “The assembly of “normal” galaxies at z~7 probed by ALMA”, par R. Maiolino et al., à paraître au sein de l'édition du 22 juillet 2015 des Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.
L'équipe est composée de R. Maiolino (Laboratoire Cavendish, Université de Cambridge, Cambridge, Royaume-Uni; Institut Kavli dédié à la Cosmologie, Université de Cambridge, Cambridge, Royaume-Uni), S. Carniani (Laboratoire Cavendish; Institut Kavli dédié à la Cosmologie; Université de Florence, Florence, Italie), A. Fontana (INAF–Observatoire Astronomique de Rome, Italie), L. Vallini (Ecole Normale Supérieure, Pise, Italie; Université de Bologne, Bologne, Italie), L. Pentericci (INAF–Observatoire Astronomique de Rome, Italie), A. Ferrara (Ecole Normale Supérieure, Pise, Italie), E. Vanzella (INAF–Observatoire Astronomique de Bologne, Bologne, Italie), A. Grazian (INAF–Observatoire Astronomique de Rome, Italie), S. Gallerani (Ecole Normale Supérieure, Pise, Italie), M. Castellano (INAF–Observatoire Astronomique de Rome, Italie), S. Cristiani (INAF–Observatoire Astronomique de Trieste, Trieste, Italie), G. Brammer (Institut des Sciences et du Télescope Spatial, Baltimore, Maryland, Etats-Unis), P. Santini (INAF–Observatoire Astronomique de Rome, Italie), J. Wagg (Réseau Kilomètre Carré, Observatoire Jodrell Bank, Royaume-Uni) et R. Williams (Laboratoire Cavendish; Institut Kavli dédié à la Cosmologie).
Le Vaste Réseau (Sub-)Millimétrique de l'Atacama (ALMA), une installation astronomique internationale, est le fruit d'un partenariat entre l'ESO, la U.S. National Science Foundation (NSF) et le National Institutes of Natural Sciences (NINS) du Japon en coopération avec le Chili. ALMA est financé par l'Observatoire Européen Austral (ESO) pour le compte de ces Etats membres, la NSF en coopération avec le National Research Council du Canada (NRC), le National Science Council of Tawain (NSC) et le NINS en coopération avec l’Academia Sinica (AS) in Taiwan et le Korea Astronomy and Space Science Institute (KASI).
La construction et la gestion d'ALMA sont supervisées par l'ESO pour le compte de ses Etats membres, par le National Radio Astronomy Observatory (NRAO), dirigé par Associated Universities, Inc (AUI) en Amérique du Nord, et par le National Astronomical Observatory of Japan (NAOJ) pour l'Asie de l'Est. L’Observatoire commun ALMA (JAO pour Joint ALMA Observatory) apporte un leadership et un management unifiés pour la construction, la mise en service et l’exploitation d’ALMA.
L'ESO est la première organisation intergouvernementale pour l'astronomie en Europe et l'observatoire astronomique le plus productif au monde. L'ESO est soutenu par 15 pays : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Brésil, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L'ESO conduit d'ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l'astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d'importantes découvertes scientifiques. L'ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l'organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L'ESO gère trois sites d'observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. À Paranal, l'ESO exploite le VLT « Very Large Telescope », l'observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde et deux télescopes dédiés aux grands sondages. VISTA fonctionne dans l'infrarouge. C'est le plus grand télescope pour les grands sondages. Et, le VLT Survey Telescope (VST) est le plus grand télescope conçu exclusivement pour sonder le ciel dans la lumière visible. L'ESO est le partenaire européen d'ALMA, un télescope astronomique révolutionnaire. ALMA est le plus grand projet astronomique en cours de réalisation. L'ESO est actuellement en train de programmer la réalisation d'un télescope européen géant (E-ELT pour European Extremely Large Telescope) de la classe des 39 mètres qui observera dans le visible et le proche infrarouge. L'E-ELT sera « l'œil le plus grand au monde tourné vers le ciel ».
Liens
Contacts
Roberto Maiolino
Cavendish Laboratory & Kavli Institute for Cosmology, University of Cambridge
Cambridge, United Kingdom
Tél: +44 1223 761661
Mobile: +44 7557 774718
Courriel: r.maiolino@mrao.cam.ac.uk
Andrea Ferrara
Scuola Normale Superiore
Pisa, Italy
Mobile: +39 329 0715067
Courriel: andrea.ferrara@sns.it
Richard Hook
ESO Public Information Officer
Garching bei München, Germany
Tél: +49 89 3200 6655
Mobile: +49 151 1537 3591
Courriel: rhook@eso.org
Thierry Botti (contact presse pour la France)
Réseau de diffusion scientifique de l'ESO
et Laboratoire d'Astrophysique de Marseille
Marseille, France
Tél: +33 4 95 04 41 06
Courriel: eson-france@eso.org
A propos du communiqué de presse
Communiqué de presse N°: | eso1530fr |
Nom: | BDF 3299 |
Type: | Early Universe : Galaxy Early Universe : Cosmology |
Facility: | Atacama Large Millimeter/submillimeter Array, Very Large Telescope |
Science data: | 2015MNRAS.452...54M |