Communiqué de presse
VLT – au-delà de Hubble, MUSE dessine l’image tridimensionnelle de l’Univers lointain
26 février 2015
L’instrument MUSE installé sur le Très Grand Télescope (VLT) de l’ESO a offert aux astronomes la meilleure image en trois dimensions jamais réalisée de l’Univers profond. Après avoir pointé pendant seulement 27 heures la région du « champ profond sud de Hubble » (HDF-S pour Hubble Deep Field South), les nouvelles observations révèlent les distances, les mouvements et bien d’autres propriétés de bien plus de galaxies que ce que l’on avait pu observer dans cette petite partie du ciel. Ces observations vont aussi au-delà de Hubble et dévoilent des objets invisibles précédemment.
Grâce à de très longues observations pointées sur quelques régions du ciel, les astronomes ont réalisé de nombreuses images de l’Univers lointain, dites champs profonds. Ces images ont révélé de nombreuses informations sur l’Univers lorsqu’il était tout jeune. La plus célèbre d’entre elles est celle du Champ profond de Hubble réalisée avec le télescope spatial Hubble NASA/ESA pendant plusieurs jours à la fin 1995. Cette image spectaculaire et emblématique a transformé notre vision de l’Univers jeune. Deux années plus tard une vue similaire était produite sur une portion du ciel de l’hémisphère sud : le Champ profond sud de Hubble.
Toutefois, ces images à elles seules ne suffisent pas à tout comprendre des objets du ciel profond. Pour obtenir plus d’informations, les astronomes étaient alors contraints d’observer un à un les objets avec d’autres instruments, tâche longue et laborieuse. Mais maintenant, pour la première fois, le nouvel instrument MUSE peut réaliser les deux actions en même temps et bien plus rapidement.
L’une des premières observations réalisées avec MUSE après qu’il ait été installé et testé sur le VLT en 2014 a été une longue observation du champ profond sud de Hubble. Le résultat dépasse toutes les espérances.
« Après seulement quelques heures d’observation au Chili nous avons jeté un œil aux données et nous avons découvert beaucoup de galaxies – c’était très encourageant. De retour en Europe nous avons commencé à étudier les données plus en détail. C’était comme pêcher en eau profonde et chaque nouvelle « prise » générait beaucoup d’enthousiasme et de discussions sur les « espèces » que nous étions en train de découvrir » explique Roland Bacon, (Centre de Recherche Astrophysique de Lyon, France, CNRS), chercheur responsable de l’instrument MUSE et de l’équipe qui a réalisé ces observations.
Ainsi pour chaque élément de l’image du HDF-S prise par MUSE il n’y a pas seulement des pixels, mais aussi un spectre révélant l’intensité des différentes couleurs de la lumière à cet endroit - près de 90 000 spectres au total [1]. À partir de ces spectres il est possible de connaitre la distance, la composition et les mouvements internes de centaines de galaxies lointaines - ainsi que de quelques étoiles très faiblement lumineuses appartenant à notre galaxie.
Bien que le temps de pose total ait été bien plus court que pour les images de Hubble, les données de MUSE du HDF-S dévoilent plus de vingt objets très peu lumineux dans cette petite zone du ciel que Hubble n’avait pas du tout observés [2].
« Notre plus grande excitation a été de constater que nous voyions des galaxies extrêmement distantes, qui n’étaient même pas visibles dans les images les plus profondes de Hubble. Après tant d’années de travail sur l’instrument, cela a été un joie immense de le voir en action et nos rêves se concrétiser » ajoute Roland Bacon.
L’analyse détaillée des spectres mesurés du HDF-S a permis à l’équipe de déterminer la distance de 189 galaxies. Certaines de ces galaxies sont relativement proches mais la plupart sont très éloignées et très anciennes et datent de moins d’un milliard d’années après le Big Bang. C’est plus de 10 fois le nombre de mesures de distance dont nous disposions précédemment dans cette zone du ciel.
Pour les galaxies les plus proches, MUSE est capable de les observer avec un luxe de détail sans précédent. En observant les différentes parties de la même galaxie, MUSE peut ainsi déterminer leurs rotations et mettre en évidence comment les autres propriétés varient d’un endroit à l’autre. C’est un des moyens les plus puissants pour comprendre comment les galaxies évoluent au cours du temps cosmique.
« Maintenant que nous avons démontré les capacités exceptionnelles de MUSE pour explorer l’Univers profond, nous allons observer d’autres champs profonds tels que le Champ ultra-profond de Hubble. Nous serons en mesure d’étudier des milliers de galaxies et d’en découvrir de nouvelles, très ténues ou très lointaines. Ces jeunes galaxies, observées telles qu’elles étaient il y a 10 milliards d’années ont progressivement grandi pour devenir des galaxies semblables à notre Voie lactée d’aujourd’hui » conclut Roland Bacon.
Notes
[1] Chaque spectre couvre une gamme de longueurs d’onde allant de la partie bleue du spectre jusqu’au proche infrarouge (375 – 930 nanomètres).
[2] MUSE est particulièrement sensible aux objets qui émettent le gros de leur énergie à certaines longueurs d’onde bien spécifiques telles que celles montrées dans les données sous forme de points brillants. Les galaxies du jeune Univers présentent typiquement ce genre de spectre car elles contiennent de l’hydrogène gazeux qui rayonne dans l’ultraviolet depuis les jeunes et chaudes étoiles.
Plus d'informations
Cette recherche a été présentée dans un articles intitulé “The MUSE 3D view of the Hubble Deep Field South” par R. Bacon et al., publié dans la revue Astronomy & Astrophysics du 26 février 2015.
L’équipe est composée de R. Bacon (Observatoire de Lyon, CNRS, Université Lyon, Saint Genis Laval, France [Lyon]), J. Brinchmann (Leiden Observatory, Leiden University, Leiden, Pays-Bas [Leiden]), J. Richard (Lyon), T. Contini (Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie, CNRS, Toulouse, France; Université de Toulouse, France [IRAP]), A. Drake (Lyon), M. Franx (Leiden), S. Tacchella (ETH Zurich, Institute of Astronomy, Zurich, Suisse [ETH]), J. Vernet (ESO, Garching, Allemagne), L. Wisotzki (Leibniz-Institut für Astrophysik Potsdam, Potsdam, Allemagne [AIP]), J. Blaizot (Lyon), N. Bouché (IRAP), R. Bouwens (Leiden), S. Cantalupo (ETH), C.M. Carollo (ETH), D. Carton (Leiden), J. Caruana (AIP), B. Clément (Lyon), S. Dreizler (Institut für Astrophysik, Universität Göttingen, Göttingen, Allemagne [AIG]), B. Epinat (IRAP; Aix Marseille Université, CNRS, Laboratoire d’Astrophysique de Marseille, Marseille, France), B. Guiderdoni (Lyon), C. Herenz (AIP), T.-O. Husser (AIG), S. Kamann (AIG), J. Kerutt (AIP), W. Kollatschny (AIG), D. Krajnovic (AIP), S. Lilly (ETH), T. Martinsson (Leiden), L. Michel-Dansac (Lyon), V. Patricio (Lyon), J. Schaye (Leiden), M. Shirazi (ETH), K. Soto (ETH), G. Soucail (IRAP), M. Steinmetz (AIP), T. Urrutia (AIP), P. Weilbacher (AIP) and T. de Zeeuw (ESO, Garching, Allemagne; Leiden).
L'ESO est la première organisation intergouvernementale pour l'astronomie en Europe et l'observatoire astronomique le plus productif au monde. L'ESO est soutenu par 16 pays : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Brésil, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Italie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L'ESO conduit d'ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l'astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d'importantes découvertes scientifiques. L'ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l'organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L'ESO gère trois sites d'observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. À Paranal, l'ESO exploite le VLT « Very Large Telescope », l'observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde et deux télescopes dédiés aux grands sondages. VISTA fonctionne dans l'infrarouge. C'est le plus grand télescope pour les grands sondages. Et, le VLT Survey Telescope (VST) est le plus grand télescope conçu exclusivement pour sonder le ciel dans la lumière visible. L'ESO est l’un des partenaires majeurs d’ALMA, le plus grand projet astronomique en service. Et, sur le Cerro Armazones, à proximité de Paranal, l’ESO est en train de construire le télescope géant européen de 39 mètres, l’E-ELT, qui sera « l'œil le plus grand au monde tourné vers le ciel ».
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A propos du communiqué de presse
Communiqué de presse N°: | eso1507fr |
Nom: | Hubble Deep Field South |
Type: | Early Universe : Galaxy : Grouping : Cluster |
Facility: | Very Large Telescope |
Instruments: | MUSE |
Science data: | 2015A&A...575A..75B |