Communiqué de presse
Regarder une explosion stellaire en 3D
4 août 2010
En utilisant le très grand télescope (VLT) de l’ESO, des astronomes ont obtenu pour la première fois une image en trois dimensions de la distribution de la matière la plus profonde expulsée par une étoile récemment explosée. D’après les nouveaux résultats, l’explosion originelle n’a pas seulement été puissante. Elle a également été concentrée dans une direction particulière, ce qui indique de manière significative que la supernova a dû être très mouvementée, confirmant les modèles numériques les plus récents.
Contrairement au Soleil, dont la mort sera plutôt douce, les étoiles massives qui arrivent à la fin de leur courte vie explosent en supernovae en éjectant une importante quantité de matière. Dans cette catégorie d’étoile, la supernova 1987A (SN 1987A) dans le Grand Nuage de Magelan, situé relativement proche de nous, occupe une place très spéciale. Détectée en 1987, ce fut la première supernova observée à l’œil nu depuis 383 ans (eso8704) et du fait de sa relative proximité, elle a permis aux astronomes d’étudier l’explosion d’une étoile massive et ses conséquences bien plus en détail que jamais auparavant. Il n’est donc pas surprenant que peu d’événements de l’astronomie moderne aient rencontré une attention aussi enthousiaste de la part des scientifiques.
SN 1987A a été une aubaine pour les astrophysiciens (eso8711 et eso0708). Elle a en effet permis plusieurs grandes premières observationnelles significatives comme la détection de neutrinos provenant de l’effondrement du cœur intérieur de l’étoile qui déclenche l’explosion, la localisation de l’étoile sur des plaques photographiques d’archive avant son explosion, les signes d’une explosion asymétrique, l’observation directe d’éléments radioactifs produits pendant l’explosion, l’observation de la formation de poussière dans la supernova tout comme la détection de matière circumstellaire et interstellaire (eso0708).
Les nouvelles observations, en utilisant un instrument unique, SINFONI [1], sur le VLT de l’ESO ont fourni des informations encore plus approfondies sur cet événement exceptionnel puisque les astronomes sont maintenant capables d’obtenir la toute première reconstruction en 3D de la partie centrale de la matière ayant explosé.
Cette nouvelle image révèle que l’explosion a été plus forte et plus rapide dans certaines directions par rapport à d’autres, conduisant à une forme irrégulière avec certaines parties qui s’étendent plus loin dans l’espace.
La matière éjectée en premier par l’explosion voyage à la vitesse incroyable de 100 millions de km par heure ce qui correspond à un dixième de la vitesse de la lumière ou à une vitesse 100 000 fois plus rapide qu’un avion de ligne. Même à cette vitesse « grand V » il lui a fallu 10 ans pour atteindre un disque de gaz et de poussière expulsé préalablement par l’étoile en train de mourir. Cette image démontre également qu’une autre vague de matière voyage dix fois moins vite et est chauffée par les éléments radioactifs créés pendant l’explosion.
« Nous avons établi la distribution de la vitesse des éjections les plus centrales de la supernova 1987 A » précise Karina Kjær, premier auteur de l’article scientifique. « On ne comprend pas encore très bien comment une supernova explose exactement, mais la manière dont l’étoile explose est imprimée sur cette matière centrale. Nous pouvons voir que cette matière n’est pas éjectée symétriquement dans toutes les directions, mais semble plutôt avoir une direction préférée. De plus, cette direction est différente de ce qui était attendu à partir de la position de l’anneau. »
De tels comportements asymétriques étaient prédits par certains des modèles numériques les plus récents de supernovae qui ont trouvé que des instabilités à grande échelle se déroulaient pendant l’explosion. Ces nouvelles observations sont donc les premières confirmations directes de ce genre de modèles.
SINFONI est le meilleur instrument de sa catégorie et seul le niveau de détail qu’il atteint a permis à cette équipe de dresser leurs conclusions. Les systèmes d’optique adaptative permettent de corriger les effets brouillant de l’atmosphère terrestre alors que la technique dite de la spectroscopie intégrale de champ a permis aux astronomes d’étudier simultanément plusieurs parties du cœur chaotique de la supernova, conduisant à l’élaboration de l’image 3D.
« La spectroscopie intégrale de champ est une technique spéciale où pour chaque pixel nous avons des informations sur la nature et la vitesse du gaz » dit Karina Kjær. « Cela signifie qu’en plus de l’image normale nous avons également la vitesse le long de la ligne de vue. Comme nous connaissons le temps écoulé depuis l’explosion et comme la matière se déplace librement vers l’extérieur, nous pouvons convertir cette vitesse en distance. Cela nous donne une image des éjections internes comme si nous les regardions de face et par le côté. »
Notes
L’équipe a utilisé l’instrument SINFONI (Spectrograph for INtegral Field Observations in the Near Infrared) installé sur le VLT de l’ESO. SINFONI est un spectrographe intégral de champ proche infrarouge (1,1-2,5 µm) équipé d’un module d’optique adaptative.
Plus d'informations
Cette recherche sera publiée dans Astronomy and Astrophysics (“The 3-D Structure of SN 1987A’s inner Ejecta”, by K. Kjær et al.).
L’équipe est composée de Karina Kjær (Queen’s University Belfast, Royaume Uni), Bruno Leibundgut and Jason Spyromilio (ESO) et Claes Fransson et Anders Jerkstrand (Stockholm University, Suede).
L’ESO - l’Observatoire Européen Austral - est la première organisation intergouvernementale pour l’astronomie en Europe et l’observatoire astronomique le plus productif au monde. L’ESO est soutenu par 14 pays : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L’ESO conduit d’ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l’astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d’importantes découvertes scientifiques. L’ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l’organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L’ESO gère trois sites d’observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. À Paranal, l’ESO exploite le VLT « Very Large Telescope », l’observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde et VISTA, le plus grand télescope pour les grands relevés. L’ESO est le partenaire européen d’ALMA, un télescope astronomique révolutionnaire. ALMA est le plus grand projet astronomique en cours de réalisation. L’ESO est actuellement en train de programmer la réalisation d’un télescope européen géant – l’E-ELT- qui disposera d’un miroir primaire de 42 mètres de diamètre et observera dans le visible et le proche infrarouge. L’E-ELT sera « l’œil tourné vers le ciel » le plus grand au monde.
Liens
Contacts
Karina Kjær
Queen’s University
Belfast, UK
Tél: +44 28 9028 8662
Mobile: +44 79 1608 0702
Courriel: karina.kjaer@gmail.com
Bruno Leibundgut
ESO
Garching bei München, Germany
Tél: +49 89 3200 6295
Courriel: bleibund@eso.org
Richard Hook
ESO, La Silla, Paranal, E-ELT and Survey telescopes Press Officer
Garching bei München, Germany
Tél: +49 89 3200 6655
Courriel: rhook@eso.org
Thierry Botti (contact presse pour la France)
Réseau de diffusion scientifique de l'ESO
et Laboratoire d'Astrophysique de Marseille
Marseille, France
Tél: +33 4 95 04 41 06
Courriel: eson-france@eso.org
A propos du communiqué de presse
Communiqué de presse N°: | eso1032fr |
Nom: | SN 1987A |
Type: | Local Universe : Star : Evolutionary Stage : Supernova |
Facility: | Very Large Telescope |
Instruments: | SINFONI |
Science data: | 2010A&A...517A..51K |