Communiqué de presse
Un drôle de couple
Deux nuages de gaz très différents dans la galaxie d'à côté
7 août 2013
Le Très Grand Télescope de l'ESO a détecté une surprenante région de formation d'étoiles dans le Grand Nuage de Magellan – l'une des galaxies satellites de la Voie Lactée. Cette image d'une grande netteté révèle l'existence de deux nuages de gaz distincts et brillants : NGC 2014 de couleur rouge et son voisin NGC 2020 de couleur bleue. Bien qu'ils soient très différents, tous deux ont été sculptés par de puissants vents stellaires issus de très jeunes étoiles extrêmement chaudes qui irradient également le gaz, causant son intense luminosité.
Cette image a été acquise au moyen du Très Grand Télescope (VLT) qui équipe l'Observatoire de Paranal de l'ESO au Chili – l'endroit idéal pour effectuer des observations astronomiques depuis l'hémisphère sud. Toutefois, sans l'aide de télescopes tels le VLT, un simple coup d'œil, par nuit claire et sombre, en direction de la constellation australe de la Dorade (également nommée le poisson-épée ou la dorade coryphène par les anglo-saxons [1]) permet d'apercevoir une tâche floue semblable à s'y méprendre à un simple nuage dans l'atmosphère terrestre.
C'est du moins la première impression que dut avoir Ferdinand Magellan lors de son célèbre voyage dans l'hémisphère sud en 1519. Magellan n'est jamais revenu de ce voyage – il a été tué aux Philippines. De retour en Europe, son équipage a toutefois témoigné de l'existence de ce nuage et de son jumeau de dimension plus faible. Ces deux galaxies de petites tailles ont par la suite été baptisées en l'honneur de Magellan. Aucun doute toutefois qu'elles aient été aperçues par des explorateurs européens et des observateurs de l'hémisphère sud, bien qu'elles n'aient fait l'objet d'aucun rapport précis.
Le Grand Nuage de Magellan crée de nouvelles étoiles à un rythme soutenu. Quelques-unes des régions de formation stellaire qu'il abrite peuvent même être aperçues à l'œil nu : la Nébuleuse de la Tarentule en constitue un exemple célèbre. Toutefois, il existe d'autres régions de dimensions plus petites – mais non moins intrigantes – dont les télescopes sont capables de révéler les moindres détails. Ainsi, cette nouvelle image acquise par le VLT lève le voile sur une paire curieusement dépareillée : NGC 2014 et NGC 2020.
Le nuage teinté de rose figurant à droite de l'image, NGC 2014, est un nuage lumineux principalement constitué d'hydrogène ionisé. Il abrite un amas de jeunes étoiles chaudes. Le rayonnement énergétique issu de ces nouvelles étoiles arrache les électrons aux atomes du gaz d'hydrogène environnant, l'ionisant et produisant par là-même une lueur rouge caractéristique.
Les jeunes étoiles massives sont la source de cet intense rayonnement ainsi que de puissants vents stellaires qui dispersent et éjectent le gaz environnant. A gauche de l'amas principal figure une étoile extrêmement chaude et brillante [2] dont les vents ont déjà créé une cavité qui apparaît entourée d'une structure en forme de bulle appelée NGC 2020. La teinte bleutée qui caractérise ce mystérieux objet résulte elle aussi des effets du rayonnement en provenance de l'étoile chaude – de l'ionisation de l'oxygène en l'occurrence, non plus de celle de l'hydrogène.
Les teintes si distinctes arborées par NGC 2014 et NGC 2020 résultent tant de la différence de composition chimique des gaz environnants que des températures des étoiles responsables de la luminosité des nuages. Les distances séparant les étoiles de leurs nuages de gaz respectifs jouent également un rôle.
Le Grand Nuage de Magellan se situe à environ 163 000 années lumière seulement de notre galaxie, la Voie Lactée, ce qui est très peu à l'échelle cosmique. Cette proximité, et donc la possibilité de l'étudier plus en détails que toute autre structure plus éloignée, en fait une cible de choix pour les astronomes. Cette proximité explique également en partie le choix d'installer des télescopes dans l'hémisphère sud, et donc la création de l'ESO voici plus de 50 ans. Bien qu'impressionnant à l'échelle humaine, le Grand Nuage de Magellan renferme moins du dixième de la matière contenue dans la Voie Lactée et s'étend sur 14 000 années lumière seulement – comparativement aux 100 000 années lumière de la Voie Lactée. Les astronomes le classent parmi les galaxies naines irrégulières ; son irrégularité, combinée à sa barre d'étoiles centrale et proéminente, lui confèrent un aspect chaotique qui semble résulter d'interactions avec la Voie Lactée et une autre galaxie proche, le Petit Nuage de Magellan.
Cette image a été acquise au moyen de l'instrument FORS2 (réducteur de focale et spectrographe à faible dispersion dans les domaines visible et proche UV) installé sur le VLT de l'ESO, dans le cadre du programme Cosmic Gems de l'ESO [3].
Notes
[1] Cette constellation est bien souvent nommée le poisson-épée par les anglo-saxons. Toutefois, il semble que la dénomination peu répandue de dorade coryphène soit davantage appropriée. Plus de détails ici.
[2] Cette étoile constitue un exemple de la classe très peu répandue des étoiles de type Wolf-Rayet. Ces objets à courte durée de vie sont très chauds – leur température de surface peut être dix fois supérieure à celle du Soleil – et très brillants. Ils dominent leur environnement proche.
[3] Cette image est issue du programme Cosmic Gems de l'ESO, dont l'objectif est de produire et de mettre à disposition des enseignants et du grand public des images d'objets intéressants, étonnants ou bien encore visuellement attrayants acquises par les télescopes de l'ESO. Le programme utilise du temps de télescope qui ne peut être alloué aux observations scientifiques. L'ensemble des données collectées peut également être utilisé à des fins scientifiques, et les astronomes peuvent se les procurer au travers des archives scientifiques de l'ESO.
Plus d'informations
L'ESO est la première organisation intergouvernementale pour l'astronomie en Europe et l'observatoire astronomique le plus productif au monde. L'ESO est soutenu par 15 pays : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Brésil, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L'ESO conduit d'ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l'astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d'importantes découvertes scientifiques. L'ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l'organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L'ESO gère trois sites d'observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. À Paranal, l'ESO exploite le VLT « Very Large Telescope », l'observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde et deux télescopes dédiés aux grands sondages. VISTA fonctionne dans l'infrarouge. C'est le plus grand télescope pour les grands sondages. Et, le VLT Survey Telescope (VST) est le plus grand télescope conçu exclusivement pour sonder le ciel dans la lumière visible. L'ESO est le partenaire européen d'ALMA, un télescope astronomique révolutionnaire. ALMA est le plus grand projet astronomique en cours de réalisation. L'ESO est actuellement en train de programmer la réalisation d'un télescope européen géant (E-ELT pour European Extremely Large Telescope) de la classe des 39 mètres qui observera dans le visible et le proche infrarouge. L'E-ELT sera « l'œil le plus grand au monde tourné vers le ciel ».
Liens
- Programme Cosmic Gems de l'ESO
- Photos du VLT
- Images acquises au moyen de FORS
- Images acquises au moyen du VLT
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et Planetarium, Royal Observatory of Belgium
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Courriel: eson-belgium@eso.org
A propos du communiqué de presse
Communiqué de presse N°: | eso1335fr-be |
Nom: | Henize 55, Large Magellanic Cloud, LMC, NGC 2014, NGC 2020 |
Type: | Local Universe : Nebula |
Facility: | Very Large Telescope |